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       Quand  Sophocle, accusé de sénilité,  
se défendait  en lisant un extrait de sa dernière
oeuvre: le Chœur d'Œdipe à Colone  
      
      
      
      Celui qui, dédaignant la part commune, aspire 
      à reculer sans fin les bornes de la vie, 
        qu'il ait fait un mauvais calcul, 
        je tiens que, tôt ou tard, on s'en apercevra. 
        Que nous apportent les vieux jours? Plus de chagrins 
        que de bonheur… On ne sait même plus 
        ce que c'est que la joie, hélas! quand la malice 
        du sort nous fait franchir les bornes raisonnables. 
        Egal pour tous et fatal, le salut 
        nous vient d'en bas, lorsque, du destin messagère, 
        sans éclat de chants d'hyménée, 
        ni lyres ni choeurs, surgit 
        la Mort, qui conclut tout.  
      
      
      
      Mieux vaut cent fois n'être pas né; 
        mais s'il nous faut voir la lumière, 
        le moindre mal encore est de s'en retourner 
        là d'où on vient, et le plus tôt sera le mieux! 
        La jeunesse passée, entraînant son cortège 
        d'inconséquences, de folies, 
        qui ne chancelle sous les maux, qui leur échappe? 
        Quel chagrin nous est épargné? 
        Rixes, factions, discordes, combats, 
        l'envie aussi… Et puis lorsque survient 
        la dernière épreuve, la pire: 
        l'odieuse, revêche et débile vieillesse, qui chasse les amis, 
        mais chez qui tous les maux se donnent rendez-vous! 
      
      
      
      Tel est (je ne suis pas le seul!) ce malheureux, 
        pareil au rivage du nord 
        qu'assiège la vague en furie: 
        c'est ainsi que sur lui les houles d'infortune, 
        sans trêve, font rage, se brisent, 
        les unes du couchant du soleil accourues, 
        les autres du levant, les autres du midi, 
        les autres du septentrion plein de rafales et de nuit! 
       
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