La
Statistique quasi-monopole anglo-saxon
Depuis
1945, toute la statistique (académique et
statistique des
chercheurs) est un quasi-monople
anglo-saxon; son fonctionnement normal,
assumé par dominants et dominés, est
régi par le principe
unique: une idée nouvelle ne
peut provenir que d'une
cervelle anglo-saxonne. Les rapports des
statisticiens dominants avec leurs homologues indigènes des
autres pays sont de type colonial. Tout travail statistique dans
un pays dominé est un reflet lunaire
de la seule recherche qui compte, il est assuré
d'être
sans influence à commencer dans son propre pays.
Quant
à la statistique des chercheurs, lorsqu'elle
s'exerce dans
une discipline elle aussi dominée, elle
suit
docilement les
vicissitudes statistiques de la discipline anglo-saxonne
dominante. Ainsi,
la statistique bayésienne, même si elle
est reconnue
en statistique académique (anglo-saxonne et
française), ne peut pas être introduite
chez les
psychologues français tant qu'elle n'est pas
adoptée par la
statistics for psychologists anglo-saxonne,
elle-même coupée de la statistique
académique.
D'où le
caractère inouï, voire scandaleux de
l'exception française
qu'a constitué le
succès (même temporaire) de
l'Analyse des correspondances dans notre pays. On
peut penser que le degré de réception de
l'Analyse des Correspondances a
été fonction croissante du degré
d'autonomie des
disciplines: les sciences sociales, dans
les années 1970, étaient plus
autonomes que la
psychologie.
Deux anecdotes personnelles, dans
mon petit bureau de la Sorbonne, anno 1984.
Anecdote n° 1 --
J'ai la visite de mon
collègue R.A. Jonckheere (University College London). Arrive
mon
grand ami Gaspard, professeur de statistique à
l'Université René Descartes. Je fais
les
présentations. -- "Ah! le test de Jonkheere!"
s'exclame Gaspard,
béat comme devant une
apparition.
[A propos: y a-t-il un "test de
Malinvaud"? un "test de Gouriéroux"?]
Anecdote n° 2 -- Je viens de
recevoir
l'ouvrage de
Greenacre (authentique Anglo-Saxon ayant fait sa thèse de
3ème cycle avec Benzécri en 1978): le
premier livre
en anglais sur l'Analyse des
Correspondances. Arrive
mon grand ami Albert, professeur de
psychologie à l'Université
René Descartes. Il se jette comme un malade sur la
bibliographie du
livre, y découvre abasourdi les noms des
statisticiens français avec qui il travaillait depuis des
années, et bredouille: "Je vois que je
suis entouré de gens sérieux!" [Pour
quel genre de
primates les prenait-il auparavant?] Quoi qu'il en soit, au
congrès suivant,
il allait pour la première fois faire état d'une
Analyse
des Correspondances, en se référant
à
l'ouvrage de Greenacre.